La clef de Moltès (Maroc)

Récit de l’ouverture de la voie « la clef de Motlès » en terrain d’aventure dans les gorges du Todra.

Ouverture : les 9, 10 et 12 octobre 2023 depuis le bas par Théo Brigaud et Fred Chapi.

Exposition : Sud-Est; Dénivelé des difficultés : 250m; Cotation: ED-/6c/P3+/X2

Théo m’a souvent parlé des gorges du Todra pendant notre formation de moniteur. Il a en partie grandi au Maroc. C’est lors de sorties « classes vertes » avec le lycée qu’il a découvert l’escalade dans ces magnifiques gorges de calcaire aux teintes rouges. C’est son site de cœur, comme les blocs de Fontainebleau pour moi où j’ai fait mes premiers pas sur les rochers. Lors des sessions de cours sur les falaises de la région aixoise, Théo me répétait « Tu verras, on ira ouvrir une voie au Troda » et j’acquiesçais sans être vraiment convaincu. Pourtant en 2021, profitant d’une accalmie dans les confinements Covid-19, Lorraine et moi partons rejoindre les parents de Théo (Fred et Kath) qui ont presque élu domicile dans les gorges, et je dois l’admettre, nous sommes tombés sous le charme de ce site de grimpe.

Le paysage des gorges est très différent de celui de nos montagnes alpines. Cette région du sud-est de l’Atlas est globalement aride. La couleur rouge du rocher tranche avec le vert de la palmeraie de Tinghir, et les falaises montent d’un trait sur presque 400 mètres de hauteur. De nombreux touristes viennent chaque jour visiter ces gorges. Pour les grimpeurs, le regard se porte immédiatement sur les magnifiques piliers et parois verticales qui laissent entrevoir de belles ascensions en perspective. Cette première impression se transforme vite en une envie irrésistible de grimper au premier contact du rocher, car l’adhérence incroyable. Rien à voir avec le calcaire à zippette que je connais. Ici on grimpe sur du Velcro ! D’ailleurs pour durer au Todra, il est essentiel de soigner ses mains chaque soir et d’avoir plusieurs paires de chaussons. Notre première visite au Todra fut donc un régal de grimpe. Mais ce n’est pas tout. Les Marocains sont très accueillants, particulièrement avec les grimpeurs, et la nourriture est excellente. C’est donc avec un énorme plaisir que nous sommes retournés dans ce lieu, et cette fois, pour ouvrir une nouvelle voie avec Théo.

Octobre 2023, nous voici tous ensemble à Tinghir : Fred, Kath, Théo, Douve, Lorraine et moi. Le premier défi a été d’apporter tout le matériel pour ouvrir une nouvelle voie : perfo, spits, matériel de terrain d’aventure, cordes de grimpe et statique. Heureusement, Fred et Kath sont venus en voiture et ont pu nous alléger de plusieurs kilos qui auraient fait le bonheur de la compagnie aérienne. Notre première journée est dédiée à une reprise de contact et un peu de repérage. Initialement, je voulais ouvrir sur la paroi de levant, mais il fait encore très chaud en cette période, et comme cette paroi est exposée plein sud, nous écartons vite cette idée. Le « must » aurait été d’ouvrir directement dans la gorge, mais il y a tellement de touristes au pied des falaises qu’il est inconcevable d’imaginer laisser tomber un frigo à 200 mètres de haut sur la foule…  

C’est en allant grimper au secteur « petite gorge », un secteur un peu en arrière la gorge principale, que je repère une paroi avec un potentiel intéressant. Un grand dièdre-fissure de presque 300 mètres semble rayer toute la face au-dessus du secteur « patchwork » qui se trouve juste dans notre dos. En étudiant le topo de Julio Soares, aucun itinéraire n’y est référencé. En plus, c’est une paroi exposée sud-sud-est, où nous n’aurons pas à souffrir de la chaleur l’après-midi. Serait-ce notre « voie » ?

Le lendemain, nous nous lançons. Tout le monde vient nous aider pour le portage. Il faut dire que nous partons bien équipés : une corde de 100m trinorme, une corde statique de 100m, deux jeux coinceurs, deux jeux de friends avec de grosses tailles (no 6), le perfo, des pitons, marteaux, des dégaines, sangles, une vingtaine de spits, etc. Nous avons pris le parti de laisser la voie en mode terrain d’aventure, mais de spitter les relais pour réduire l’engagement. Notez qu’ici, il n’y a pas de PGHM pour venir vous secourir, et il a très peu de grimpeurs locaux. Alors, il vaut mieux être certains de pouvoir se sortir soi-même des difficultés en cas de pépin.

Au jeu du chifoumi, je gagne le droit d’ouvrir la première longueur. C’est probablement mon meilleur coup de chance de la semaine, car sans le savoir, je viens de laisser toutes les longueurs dures à Théo. En même temps, ce n’est pas si grave, il travaille dans le 8b en ce moment, ce qui très loin d’être mon cas.

Je commence donc à remonter une dalle facile à droite du grand dièdre jusqu’à buter sous un surplomb. Le rocher semble relativement sain, mais il est difficile de deviner ce qu’il y a au-dessus. Les difficultés commencent. Je choisis de passer légèrement à droite là où le surplomb est moins marqué. Après un pas en 5c+, je trouve une belle fissure large en ascendance à droite (5c). Je m’empresse de la grimper jusqu’à atteindre un bon béquet à droite d’un autre surplomb, mais là, c’est la grosse déconvenue. Il y a une vieille sangle moisie sur le béquet. Nous ne sommes pas les premiers à passer par ici… J’informe tout notre petit groupe de cette découverte avec la radio, mais même si ce n’est pas une première, Théo et moi décidons de poursuivre l’aventure.

Après avoir hissé le sac de matériel et assuré Théo, nous équipons le premier relais. Puis Théo se lance dans la deuxième longueur. Il débute par une traversée de cinq mètres sur la gauche pour rejoindre une fissure surplombante. Le rocher est médiocre et ne permet pas de poser de protections. Je regrette à ce moment de ne pas avoir poursuivi quelques mètres de plus pour pré-équiper cette deuxième longueur. Théo rejoint la fissure et peut enfin placer un bon friend. Il commence à remonter quand un gros bloc part sous son pied gauche. Il se rattrape in extremis. Si nos prédécesseurs sont passés par ici, ils n’ont pas tout nettoyé. Théo se remet de ses émotions et continue. Malheureusement, la difficulté grimpe en flèche et les protections restent précaires. Il passe en artif pour rejoindre un bloc coincé qui lui permet enfin de mettre une première lunule solide. Pour autant, ce n’est pas fini. Il faut encore forcer le passage du surplomb (6c) pour retrouver une zone plus facile. Je ne vois plus Théo, mais la corde avance bien jusqu’à ce qu’il trouve une belle conque pour le deuxième relais. Les points du relais étant moyennement bon, Théo décide de le spitter avant que je ne monte. Je dis « bonne initiative ! », car lorsque je grimpe à mon tour, je prends peur en découvrant ses protections dans le surplomb. La chute était presque interdite sous peine de grosse blessure… J’en profite pour nettoyer le terrain au marteau. Ainsi, il sera plus facile passer pour les prochains.

Troisième longueur, je sors de la conque par la droite. Ce n’est pas très difficile. Les seuls soucis sont les nombreux blocs instables et la grosse quantité de fiente de pigeons dans le dièdre ; alors j’avance avec délicatesse pour éviter de faire tomber un rocher sur ma corde et éviter de chopper une des maladies de pigeon que je découvrirai par la suite sur wikipédia : la maladie de Newcastle, salmonellose, grippe aviaire, chlamidiose, ou chryptococcose. Le danger n’est pas toujours où l’on pense… Sur la fin de la longueur, je bifurque à droite par une vague vire afin d’éviter l’énorme surplomb qui barre notre grand dièdre et ne plus déranger les volatiles qui m’observent insidieusement. Mais à nouveau, j’arrive à un relais déjà construit avec un spit de 8 mm et une corde coincée dans une lunule. Là, c’est clair, nous ne sommes pas les premiers. Cette fois, je prends le temps d’aller protéger le début de la prochaine longueur, puis je fais monter Théo. Pendant que nous construisons notre relais, je ne peux m’empêcher de regretter de ne pas faire une première, mais c’est ainsi.

Il commence à se faire tard. Nous décidons de laisser tout le matériel en place et de redescendre. J’installe la corde statique pour la descente en plaçant quelques pitons pour fractionner les sections et ainsi éviter une rupture de corde à la remonter. 50 mètres plus bas, je trouve à nouveau un spit de 8 mm. Je suis nettement à droite de notre ligne de grimpe et je ne vois pas d’autres spits. C’est étrange, où sont passés nos prédécesseurs ? De retour au sol, Fred m’interpelle à la radio. Pendant toute la journée, nous avions notre équipe de supporteurs qui nous observait en grimpant au secteur « petite gorge ». Fred nous félicite pour cette première journée et me dit « As-tu pris la clef de la voiture avant de descendre ? ». Pendant, un instant je me dis qu’il me prend vraiment pour un lapin de trois semaines, puis le doute s’installe, je vérifie dans la poche de mon sac, eh oui, il y a une clef, mais c’est celle de la voiture qui est à l’aéroport de Marseille. Celle de la voiture de location est dans le sac de hissage 100 mètres plus haut. Quel idiot ! Je n’ai pas le courage de remonter. Nous sommes obligés de laisser la voiture de location dans les gorges pour la nuit et de repartir tous entassés dans la voiture de Fred.

De retour à l’hôtel, nous racontons notre journée et notre mésaventure à Hakim, le gérant de l’établissement. Hakim est toujours très jovial. Il passe son temps à faire des petites blagues, mais quand je lui explique que la clef de la voiture est pendue sur la falaise avec le sac, il blêmit. En fait, c’est lui qui a loué la voiture pour moi. Aller, du coup, Omar, le propriétaire de l’hôtel, m’emmène en ville pour chercher le double. Nous expliquons tout bêtement que la clef est enfermée dans la voiture. Pas sûr que le loueur de voitures aurait aimé la vraie histoire.  

Le matin du deuxième jour, nous remontons la corde fixe en plein soleil ; une bonne grosse suée pour commencer la journée ! De retour à notre dernier relais, je propose à Théo de partir en tête, car pour l’instant, je n’ai pas grimpé de longueur dure et celle qui est devant nous s’annonce coriace. Il y a d’abord une fissure puis une section en dalle pour rejoindre une autre fissure bien raide (voir légèrement surplombante). Théo rejette ma proposition, c’est son tour de grimper, alors il y va.

Théo remonte la première fissure en commençant par une zippette au premier pas. Aller, ça réveille ! Comme d’habitude, il est parti comme un mulet avec tous les friends sur lui. Pourtant, je n’arrête pas de lui dire de partir seulement avec ce dont il a besoin en premier, puis de me demander de lui passer le complément par la corde de hissage. Mais non, c’est une vraie tête de mule. Il avance et trouve un emplacement pour un très bon coinceur légèrement à droite de la première fissure puis commence à remonter la dalle. A ce moment, j’entends un « c’est dur » ! Humm, si le petit jeune qui grimpe du 8b commence à souffrir, nous ne sommes pas sortis d’affaire. En fait, ce n’est pas la difficulté technique qui pose problème, c’est le fait de devoir grimper 5 mètres de dalle sans protection avec le risque d’avoir une prise qui casse et de retomber sur la vire du relais. Théo prend son temps. Il teste tout. Il trouve une lunule providentielle au milieu de la dalle. Même si elle n’est pas très solide, elle lui permet de souffler un peu. Encore un peu de dalle, tout en serrant les dents, à défaut de prise, et il atteint le début de la seconde fissure. Enfin des prises ! Pourtant, la joie est de courte durée. La fissure est trop biscornue pour y placer un friend ou un coinceur. Théo est obligé de poursuivre en « semi-solo », mais il retrouve un terrain qu’il apprécie : le dévers à prises. Encore trois mètres, et enfin il peut placer un bon friend, après avoir fait un peu de ménage. Il y a beaucoup de terre dans cette fissure. Il progresse, franchit un léger surplomb par la gauche, et je le perds de vu. J’attends et comme il ne se passe rien, je demande « Ça va ? ». Le ton de sa voix montre un certain niveau de stress « Je suis dans un dièdre plein de terre et je n’ai rien pour protéger… ». Je ne sais pas quoi lui répondre, j’espère juste qu’il va s’en sortir. Théo avance très lentement. Pendant ce temps au relais, j’essaie de me trouver une position confortable, mais j’en suis réduit à me dandiner d’un pied sur l’autre. Enfin, j’entends avec soulagement à la radio « Relais ! ». A mon tour de grimper. En second, c’est presque les vacances. Je remonte la première fissure assez rapidement ; puis j’attaque la dalle, c’est assez facile, Théo est vraiment une petite flipette, mais « crack » une prise me reste dans la main gauche, je perds l’équilibre et je me retrouve pendu dans la corde… Du coup j’en profite pour faire un bon nettoyage au marteau. Quand je sors du surplomb, je comprends son embarras, car le dièdre fait goulot d’étranglement avec toute la terre qui arrive du dessus. Je tente de faire le ménage, mais peine perdue, il y en a trop. Je retrouve Théo et je spite le relais. Cette longueur a été très longue…

A mon tour ! Devant moi, j’ai tout ce que j’aime : du dièdre, de la fissure, et un peu de renfougne. Après une fine traversée, j’attaque la remontée du dièdre. Ça déroule. Je me force à mettre des protections au cas où une prise me resterait dans les mains (eh oui, il faut apprendre de ses erreurs !). Puis j’atteins une zone où le rocher devient douteux, 5 à 6 mètres sous un gros surplomb. J’avance comme en marchant sur des œufs. En prévision du passage du surplomb, je place un bon piton sur la droite. Je remonte une dernière section en dalle et me voilà le nez collé au rocher. Sous le surplomb, j’arrive à placer deux bons friends. Après quelques minutes de réflexion, je me décide à faire une tentative de franchissement par la droite où le rocher est le moins mauvais. Je passe la tête au-dessus, mince le rocher est super mauvais. Je redescends pour réfléchir. Je n’ai pas de meilleure option, alors j’y retourne sous les encouragements de Théo. Avec une bonne dose de volonté, je passe le surplomb tout en dégageant les cailloux qui me gênent, dont un beau qui ne passe pas très loin de la tête de Théo. Au-dessus du surplomb, le rocher est très médiocre. Pourtant il faut que je fasse mon relais ici. J’ai grimpé 40 mètres et au-dessus de moi cela ne passe pas tout droit. Il y a un grand toit qui barre le dièdre. Je mets un temps infini à trouver des protections acceptables pour construire un relais. Du coup, je propose à Théo de hisser le sac et spiter le relais avant qu’il ne monte. Je suis obligé de mettre trois spits pour assurer le coup tellement le rocher est médiocre. Pendant que Théo grimpe, j’observe la suite. Au-dessus de moi, il y a un énorme surplomb en rocher pourri ; c’est l’option « suicide ». A droite, il y a une dalle qui mène à une vague fissure, mais je n’arrive pas à juger si le rocher est assez bon ; c’est l’option « serrage de fesses ». A gauche, il y a un magnifique dièdre fissuré, mais ensuite il sera très compliqué de rejoindre notre dièdre/fissure, car une section en dalle verticale de 5 mètres de large sépare le haut de ce dièdre de notre itinéraire supposé ; c’est l’option « procrastination ».

Quand Théo me rejoint, il est déjà tard. Nous décidons de redescendre. Nous avons seulement grimpé deux longueurs sur la journée et nous sommes loin d’être sortis. Je commence à douter que notre aventure aboutisse au sommet.

Le troisième jour, nous décidons de faire une pause. Théo reste à l’hôtel avec Douve, pendant que Kath, Lorraine, Fred et moi allons grimper une petite « grande voie » dans les gorges : SmoufonWeb. Ça fait du bien au moral de grimper sereinement dans une voie facile avec des spits. Le rocher est aussi excellent. Une petite anecdote au passage, le topo indique qu’une corde de 70m est suffisante, ce qui n’est pas vraiment le cas pour la descente en rappel par le couloir où un rappel de 50m est nécessaire.

En fin d’après-midi, nous allons faire un nouveau repérage pour la suite de notre voie. Après de nombreuses photos et observations aux jumelles, j’envisage une échappatoire via une vire qui part sur la gauche 20 mètres au-dessus de notre dernier relais (via l’option « procrastination »). Avec un peu de chance, il doit être possible d’atteindre une zone plus facile à grimper. Puis, comme d’habitude, nous finissons la journée à boire du thé sur la plage Mansour en dégustant une bonne omelette berbère. Repus et bien calés dans nos chaises, nous pouvons observer les grimpeurs de l’autre côté de l’oued. Aujourd’hui, nous avons un groupe de débutants facilement reconnaissable par leur niveau de compétence douteux en assurage, mais heureusement nous n’aurons pas d’accident à déplorer… Le soir, je fais part de mes observations à Théo sur la suite de notre voie, histoire de remonter le moral des troupes. Nous avons encore une chance de finir notre projet.

Troisième jour de grimpe, nous commençons par presque 200 mètres de remontée sur corde : encore une belle grosse suée en plein soleil ! Arrivée à notre dernier relais, Théo part par l’option « procrastination ». Mis à part une petite traversée délicate sur la gauche, cette longueur est une promenade de santé pour lui. Il rejoint une belle vire 15 m au-dessus puis construit le relais. Je le rejoins sans difficulté, hormis pour le hissage du sac qui vient se coincer dans les fissures. Quand je retrouve Théo, c’est un peu la douche froide. Au-dessus de nous sur la gauche, il y a un beau piton planté dans une fissure. Encore un signe d’un passage précédent ! Depuis le troisième relais, nous n’avions rien vu. Nous avons tendance à penser que ceci est en liaison avec un autre itinéraire qui viendrait du côté ouest où la paroi semble moins raide depuis notre promontoire. J’ai un sentiment partagé. Certes, nous ne sommes pas les premiers ici, mais a priori, l’échappatoire que j’ai repérée la veille est bien une sortie plausible, le piton dans la fissure est un signe. Puis, cette découverte me redonne un coup de motivation. Puisque nos prédécesseurs sont passés à gauche, notre itinéraire qui part à droite n’a peut-être jamais été grimpé ? Alors, c’est parti.

Je désescalade de deux mètres pour rejoindre cette traversée en dalle de 5 mètres. Fini la procrastination, il faut s’engager ! Je retrouve un rocher médiocre. Je fais partir un gros bloc avec le marteau. J’arrive à placer deux petits friends au début de la traversée, puis je n’ai plus rien. Je traverse jusqu’à rejoindre un bombé juste avant d’atteindre notre fissure-dièdre. Par précaution, je plante un petit piton dans un minuscule trou avant de me lancer. Je tape, le piton chante de plus en plus vers les aigus. Je me dis quelle douce musique, quand finalement, j’entends des « poc poc poc » qui indiquent que le piton a touché le fond du trou. Bon bah, il ne faudra pas tomber, car ce piton ne tient pas. Je demande à Théo de m’envoyer les gros friends (moi, je ne suis pas une mule, je prends seulement ce dont j’ai besoin). Sans autre choix de protection, je commence à passer le bombé, et je trouve une belle fissure pour un gros friend. Rapidement placé, la pression diminue, car si j’avais chuté, je serai allé m’encastrer dans le dièdre sous le relais de Théo. Je sors un étrier pour faire du ménage tranquillement. La fissure est encombrée de cailloux et d’arbustes épineux. Une fois le champ libre, je reprends la grimpe. J’avance sur 5 mètres dans une bonne fissure. Maintenant, je suis assez haut pour clipper mon deuxième brin de corde. Jusqu’ici, j’avais clippé le même brin pour pouvoir bien assurer Théo dans la traversée avec le second qui est maintenant plus haut que lui. Je passe une petite section dalleuse avec un rocher moins bon, puis je retrouve notre dièdre-fissure où j’avance rapidement. Après un petit pas plus délicat que les autres sur la gauche, je rejoins une conque. Je commence à manquer de matériel, j’ai grimpé presque 35 mètres. Théo m’envoie ce qu’il reste. Je poursuis, car j’ai le sentiment qu’il y aura une bonne vire après cette conque. Un peu de renfougne pour sortir d’une cheminée et j’atteins la vire espérée. Voici une belle longueur de 45m. Nous faisons un bon avant vers le sommet. Théo me rejoint en faisant un peu de nettoyage puis nous spittons le relais. La suite est une splendide fissure large et légèrement surplombante qui nous rappelle l’Estamporanée au Verdon.

Théo se lance. Le friend numéro 6 est très utile dans cette longueur. Il le replace plusieurs fois pour le mettre le plus haut possible. Quelques blocs instables viennent pimenter cette escalade, mais Théo avance sans grande difficulté. A la fin de la fissure, Il sort sur la gauche par une section en rocher moyen et facile à grimper. Puis enfin, il atteint le sommet. Trop génial ! Cette dernière longueur a été le cadeau final, probablement la plus belle section de la voie. Je grimpe à mon tour. Je suis détendu. Je profite de cette splendide longueur, l’esprit libre. Au sommet, nous nous prenons dans les bras. Quelle belle aventure partagée ! Notre équipe de supporteurs nous transmet des messages de félicitation par radio. Nous n’avons plus trouvé de signe de passage précédent depuis le sixième relais. J’ose penser que nous avons ouvert un nouvel itinéraire.   Une fois le relais spitté, nous entamons la descente. J’en profite pour placer un bon piton dans la fissure de la quatrième longueur et Théo équipe la lunule. Je mets aussi une lunule avec une corde dans la fissure déversante de la deuxième longueur, malgré les remarques de Théo qui trouve que j’en fais trop. De retour au sol, Fred et Douve nous retrouvent pour nous aider à porter le matériel. Le soir, nous fêtons ce succès avec un bon verre de Rhum, discrètement dans la chambre pour ne pas heurter la sensibilité de nos hôtes. Il y a eu de longues discussions pour nommer cette voie. C’est un tirage au sort qui a départagé les différentes options, et ce fut : La clef de Moltès en référence à la clef de voiture oubliée sur la voie et le film « le boulet » qui a animé quelques blagues durant nos soirées.   

Topo de la voie

Approche

Se garer sur le parking d’accès au secteur Patchwork Familly. Rejoindre le secteur de couennes puis longer la paroi vers la droite pour contourner la paroi du secteur de couenne, puis, par une pente de blocs, rejoindre vers la gauche le dièdre de départ qui se trouve à l’aplomb des larges fissures au milieu de la face Est. Le nom de la voie est peint sur le rocher

L1 40m 5c

Remonter facilement la dalle sous le dièdre pour venir buter sous un petit surplomb que l’on franchit par la droite. Remonter ensuite une large fissure ascendant droite pour atteindre le relais.

L2 30m 6c

Traverser quatre mètres sur la gauche pour rejoindre un dièdre fissure déversant de six mètres de haut. Grimper le dièdre (difficile à protéger, mais une corde est en place pour aider), puis sortir à droite et rejoindre facilement une conque où se trouve le relais.

L3 40m 5c

Sortir de la conque par la droite puis remonter un large dièdre. Une dizaine de mètres avant le grand surplomb, prendre à droite par une vague vire pour rejoindre le relais au pied d’une dalle raide rayée d’une fissure. A noter, le rocher n’est pas très propre et présente encore quelques blocs instables dans cette longueur.

L4 35m 6b+

Commencer à gravir la dalle à droite du relais en faisant l’effort de bien placer ses protections car la suite est difficile à protéger sur cinq bons mètres : un bon friend rouge BD au départ, puis un piton en place (mais ce n’est pas le meilleur du monde), possibilité de placer un bon câblé 2 mètres au-dessus du piton et légèrement sur la droite. Rejoindre la lunule (attention elle est un peu fine), puis grimper une zone compacte (peu/pas de possibilité de protéger) pour rejoindre la fissure qui est légèrement déversante. Un très bon piton permet de réduire l’engagement. Sortir de la fissure par la gauche pour passer dans un dièdre terreux peu protégeable. Pius remonter les dalles en légère ascendance à droite pour rejoindre le relais.

Attention au départ de L4 éviter de grimper sur le gros bloc à gauche du relais qui ne semble pas très stable.

L5 40m 5c+

Gravir le grand dièdre sur 30 m jusqu’à un surplomb bien marqué dans une zone où le rocher devient médiocre (un bon piton à droite en sortie de dièdre). Franchir le surplomb par la droite. Le relais est juste au-dessus. On se trouve sous un autre gros surplomb juste en dessous des fissures/dièdres de la fin.

L6 15m 5c

Traverser à gauche pour rejoindre une large fissure évidente. Le relais se trouve sur un plat juste au-dessus de celle-ci.

L7 45m 6a/6a+

Redescendre de deux mètres, puis traverser à droite une dalle (bons pieds, protections moyennes) pour rejoindre la fissure au-dessus du surplomb précédent (attention le petit piton en place en sortie de dalle n’est pas très solide). Remonter la fissure sur 5 mètres (bon rocher), puis une section dalleuse en rocher médiocre pour atteindre un large dièdre que l’on remonte sur 30 mètres. Le relais est à droite d’une belle fissure caractéristique.

L8 35m 6b/c

Gravir cette magnifique fissure digne de l’Estamporanée du Verdon (friends taille 5 très utile). Sortir à gauche dans du rocher moyen pour atteindre le sommet de la voie. Le relais terminal est 5 mètres au-dessus sur la droite.

Descente :

  • R8-R7 40m ; R7-R5 50m ; R5-R4 40m ; R4-R3 35m, R3-R1 40m ; R1-sol 40m.

Equipement :

  • Corde de 50m
  • Friends : tailles 0.3 -> 5 BlackD (voire 6 pour le confort), doubler les tailles de 0,5 à 4, jeu de câblés, pitons et marteau éventuellement.
  • Tous les relais sont équipés sur spits et pour une descente en rappel.

  Remarque :

  • En octobre, la voie est rapidement à l’ombre.
  • Certaines sections nécessitent encore un peu de purge.